Notre Association PariS-M a été sollicitée par Damien Canivez, journaliste au Figaro pour répondre sur une question cruciale « L’influence du film 50 nuances de gris sur le BDSM aujourd’hui »
Voici l’article paru le 06/06/2022 dans TV Magazine, Le Figaro
50 Nuances plus sombres (C8): le héros Christian Grey a-t-il influencé la sexualité des Français?
Par Damien Canivez, publié
La chaîne du groupe Canal+ dégaine le deuxième volet de la saga Cinquante Nuances ce lundi 6 juin, à 21h15. Dix ans après la sortie de la trilogie littéraire, dont l’œuvre cinématographique est adaptée, les pratiques sexuelles très singulières du personnage principal ont inspiré de nombreux couples dans leurs rapports intimes.
Dans cet escalier en colimaçon particulièrement exigu, paré d’une lourde chaîne en acier en guise de rampe, une douce anxiété traverse le ventre de celui qui l’emprunte pour la première fois. La descente terminée, le visiteur pose les pieds dans un bar où fauteuils en velours de couleur bleu canard et tables rondes s’alignent devant un comptoir imposant. Au fond de cette cave voûtée, où la lumière rouge démoniaque caresse les pierres apparentes, Flore Cherry présente fièrement un mur auquel sont accrochées des culottes déjà portées.
«Certains se sont approprié l’œuvre pour pimenter leur vie sexuelle.» Flore Cherry, propriétaire du bar à fantasmes Le Sweet Paradise, à Paris.
Cette journaliste au magazine de charme Union est l’heureuse maman du Sweet Paradise, situé à moins d’un kilomètre des Grands Boulevards, à Paris. Cet établissement, dans lequel les clients peuvent partager un instant de convivialité autour d’une boisson, propose aux plus intrépides de réaliser leurs fantasmes les plus inavouables. Depuis la sortie de la trilogie littéraire Cinquante Nuances en 2012, dont C8 diffuse ce lundi soir le deuxième volet de l’adaptation cinématographique, elle constate que ses clients s’adonnent à des plaisirs sexuels plus musclés. «Une fois, nous avons crucifié un monsieur. Il a marché avec son patibulum sur les épaules, alors qu’il se faisait fouetter. On l’a attaché avec des cordes dans une forêt et il est resté ligoté pendant 45 minutes, se souvient-elle. Certains se sont approprié l’œuvre pour pimenter leur vie sexuelle.»
Cette série de trois romans raconte la relation entre Christian Grey, un milliardaire très séduisant de 27 ans campé sur grand écran par Jamie Dornan, et Anastasia Steele, une étudiante en littérature anglaise jouée par Dakota Johnson. La jeune femme rencontre l’homme d’affaires à l’occasion d’une interview dans les locaux de sa société. Après quelques minutes embarrassantes, au cours desquelles les deux protagonistes se découvrent avec une maladresse enfantine, une tension sexuelle s’installe rapidement entre les deux personnages. Pourtant, dans la galaxie du désir, quelques années-lumière séparent Christian d’Anastasia. Cette dernière n’a jamais connu le plaisir charnel, quand le héros de l’histoire a enchaîné les conquêtes dans un contexte BDSM.
Une pratique sexuelle consentie
Ce sigle fait référence à une pratique sexuelle consentie, très vaste, allant de la domination à la soumission, en passant par la douleur, l’humiliation et les jeux de rôle. Une telle relation conduit à la signature d’un contrat stipulant les attentes et les envies de chaque partenaire. Utilisation de menottes ou de cagoule, le fétichisme, les morsures, les gifles, les jeux de fluide: même si ce document ne revêt aucune valeur juridique, tout doit être inscrit noir sur blanc afin d’acter le consentement. Dans Cinquante nuances, Anastasia accepte de goûter à cet univers rythmé par les coups de martinet, sous la houlette de son richissime petit ami. «Il y a beaucoup de similitudes avec Histoire d’O de Pauline Reage. On coche tous les clichés les plus basiques de la littérature à l’eau de rose: une oie blanche et vierge qui rencontre un homme à la fois jeune, musclé et riche», analyse Flore Cherry, qui a sorti un livre érotique Matriarchie (Éditions La Musardine).
Ces ingrédients parfois stéréotypés, distillés tout au long de l’intrigue, ont fait chavirer le cœur du public. Les chiffres donnent le vertige. Au total, les trois tomes se sont écoulés à plus de 120 millions d’exemplaires à travers le monde. En France, au cinéma, le premier volet intitulé 50 Nuances de Grey a attiré plus de deux millions de spectateurs dans les salles obscures. Au-delà de l’histoire d’amour, les spectatrices, auxquelles l’œuvre se destinait, se sont montrées particulièrement sensibles à l’élégance qui gravite autour de Christian Grey, dont les chemises impeccablement repassées épousent sa silhouette d’athlète.
Dans la salle de jeu où se déroulent les ébats sexuels, les accessoires sont parfaitement rangés et les matériaux employés sont nobles. La décoration intérieure est quant à elle savamment soignée. «Le héros n’utilise jamais de cravache en plastique, remarque Céline Vendé, sexologue à Bordeaux. Les femmes sont très sensibles à l’érotisme esthétique et au sens du détail, comme les pétales de rose et la coupe de champagne dans des relations plus conventionnelles. Si certaines femmes s’initient au BDSM comme dans 50 nuances de Grey, elles vont rechercher ce raffinement-là». Pour autant, selon la thérapeute, le sadomasochisme impliquant l’élaboration d’un contrat reste encore marginal, même si elle constate que la fessée pimente souvent la vie des couples qui se succèdent dans son cabinet. Or, dans l’univers BDSM, les dominants ont parfois recours à ce châtiment pour infliger une punition à leur soumise.
Certes, à la sortie des salles de cinéma, les Français ne se sont pas tous rués dans les sexshops afin d’acheter menottes et bâillons. Néanmoins, ces pratiques ont piqué la curiosité de nombreux lecteurs et cinéphiles ayant dévoré la saga. Dans la capitale, l’association PariS-M organise des rencontres afin de pouvoir échanger librement sur le BDSM. Au moment où le phénomène 50 nuances de Grey a éclaté, de nombreux jeunes d’une vingtaine d’années se sont manifestés auprès de l’association. «Ceux qui se posaient des questions sur leur sexualité ont trouvé une ouverture. Mais certains se prenaient pour les grands maîtres des cordes alors qu’ils ne les avaient pas encore achetées», se souvient Dame Aiven, dominatrice et présidente de l’association, qui tient à mettre les points sur les «i» .
D’après elle, la saga écrite par E. L. James véhicule une fausse image du BDSM. «Ce roman donne l’impression que c’est réservé à une élite! Or, une femme qui se situe dans la cage d’escalier peut dominer en chaussons… Et puis, Christian Grey n’est pas bien dans sa tête. C’est un préjugé qui nous déplaît car le BDSM n’est plus considéré comme une maladie mentale, ajoute Dame Aiven, qui étrille au passage le personnage d’Anastasia. Elle se prend six claques sur le cul et décide de fuir… C’est du pipi de chat!»
Des accidents à la suite de séances sadomasochistes
L’une des missions de PariS-M consiste à abattre la carte de la prévention auprès des pratiquants afin qu’ils se livrent corps et âme à leur plaisir en toute sécurité. «Au début du film, il devrait y avoir un message d’avertissement indiquant que ces pratiques sont dangereuses et qu’il faut se rapprocher d’une association avant de s’y essayer», estime Sade Liza, une dominatrice qui a rejoint la structure il y a une quinzaine d’années. Régulièrement, la presse rapporte des accidents à la suite de séances sadomasochistes. En 2018, la revue britannique BMJ Case Reports annonce qu’un Allemand ayant reçu environ mille coups avec une canne en bois a été admis à l’hôpital en raison d’une défaillance rénale aiguë. L’année suivante, un habitant de Gap est retrouvé entièrement nu, suspendu à une chaîne, avec un masque à gaz sur le nez. Selon le journal la Provence, l’homme âgé à l’époque de 33 ans est décédé d’une crise cardiaque.
Damien Canivez
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